Les parents, premiers éducateurs de leurs en-fants: précisions de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la première responsabilité de l’éducation incombe aux parents. Il s’agit d’une responsabilité que la jurisprudence qualifie de naturelle: « C’est en s’acquittant d’un devoir naturel envers leurs enfants, dont il leur incombe en priorité d’« assurer [le] éducation et [l’] enseignement », que les parents peuvent exiger de l’Etat le respect de leurs convictions religieuses et philosophiques. Leur droit correspond donc à une responsabilité étroitement liée à la jouissance et à l’exercice du droit à l’instruction » (Arrêt Folgero, para. 84e).

cedh

Cela implique que l’éducation doit être considérée comme acceptable par les titulaires du droit. Le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies a ainsi affirmé que :« la forme et le contenu de l’enseignement, y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques, doivent être acceptables (par exemple, pertinents, culturellement appropriés et de bonne qualité) pour les étudiants et, selon que de besoin, les parents – sous réserve des objectifs auxquels doit viser l’éducation, tels qu’ils sont énumérés au paragraphe 1 de l’article 13, et des normes minimales en matière d’éducation qui peuvent être approuvées par l’État » (voir les paragraphes 3 et 4 de l’article 13) (CDESC, para. 6).

Dans un autre arrêt, la Cour a insisté sur le fait que les deux phrases de l’article 2 (relatives à l’accès à l’éducation et à la liberté d’enseignement) doivent être lues ensemble, autrement dit que l’on ne peut séparer l’accès à l’éducation de la liberté d’enseignement ni faire de différences entre l’enseignement public et privé. La liberté d’enseignement est comprise comme un moyen pour garantir le pluralisme indispensable à la société démocratique :

«C’est sur le droit fondamental à l’instruction que se greffe le droit des parents au respect de leurs convictions religieuses et philosophiques, et la première phrase ne distingue pas plus que la seconde entre l’enseignement public et l’enseignement privé. La seconde phrase de l’article 2 du Protocole no 1 vise en somme à sauvegarder la possibilité d’un pluralisme éducatif, essentielle à la préservation de la « société démocratique » telle que la conçoit la Convention. (Arret Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, para. 50). (Arrêt Folgero, para. 84b)

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels signale d’ailleurs que :« Dans le contexte de l’article 13, cette «obligation fondamentale minimum» englobe l’obligation (…) de garantir le libre choix de l’éducation, sans ingérence de l’État ou de tiers, sous réserve qu’elle soit conforme aux «normes minimales en matière d’éducation» » (art. 13, par. 3 et 4). (CDESC, para. 57).

Cette liberté concerne tout le programme scolaire selon la jurisprudence de la Cour:

« L’article 2 du Protocole no 1 ne permet pas de distinguer entre l’instruction religieuse et les autres disciplines. C’est dans l’ensemble du programme de l’enseignement public qu’il prescrit à l’Etat de respecter les convictions, tant religieuses que philosophiques, des parents (Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, para. 51). Ce devoir est d’application large car il vaut pour le contenu de l’instruction et la manière de la dispenser mais aussi dans l’exercice de l’ensemble des « fonctions » assumées par l’Etat ». (Arrêt Folgero, para. 84c).

Les parents sont donc les premiers éducateurs selon les normes internationales. Mais en réalité ce n’est pas souvent le cas. Il faut une nouvelle gouvernance du système éducatif qui doit abandonner le tout Etat et renforcer les capacités de la société civile. Déjà la Déclaration et le programme d’action de Dakar affirmait que la participation de la société civile ne

« doit pas intervenir uniquement pour entériner des décisions ou financer les programmes d’éducation conçus par l’État. C’est à tous les stades de la prise de décision que les gouvernements doivent mettre en place des instances de dialogue systématique permettant aux citoyens et aux organisations de la société civile de contribuer à la planification, à l’exécution, au suivi et à l’évaluation des activités concernant l’éducation de base. Cette démarche est indispensable pour favoriser l’établissement de mécanismes de gestion de l’éducation responsables, globaux et évolutifs ». Et de conclure : « Afin de faciliter ce processus, il sera souvent nécessaire de renforcer les capacités des organisations de la société civile » (par. 54).

Le fondement de cette nouvelle gouvernance est l’approche basée sur les droits de l’homme en l’éducation. Une approche basée sur les droits permet d’une part de renforcer les capacités des gouvernements, qui doivent remplir leurs obligations et tenir leurs engagements et d’autre part des individus, qui doivent se mobiliser pour faire valoir leurs droits.

Néanmoins, ceci implique que les titulaires de droits soient en mesure de connaître leurs droits et la manière de les mettre en œuvre ainsi que « les mécanismes, s’il en existe, qui permettent de demander réparation en cas de violation » (UNESCO, 2007). Ils doivent donc pouvoir accéder aux décideurs politiques et aux médias. Mais nombre d’entre eux auront besoin d’aide pour établir la façon dont leurs droits sont déniés et ce qu’ils peuvent faire pour modifier cet état de choses. Comme le rappelle le même document de l’UNESCO (2007) « Donner aux titulaires de droits les moyens de faire valoir ces droits exige une série de stratégies, notamment d’information, de plaidoyer, de renforcement des capacités, de constitution de réseaux de parents, de soutien entre pairs et d’assistance technique ».

Alfred Fernandez

Deja un comentario